De l'utilité des feux...échouage aux Glénan en février 61

Le caboteur Eddystone dans les griffes de Quignenec:

Vendredi 3 février 1961 le caboteur hollandais Eddystone du port de Gröningen a doublé la pointe de Pen-March’ vers 19h00 route au 125 pour passer au sud de  la bouée Jument des Glénan et rallier le port de Lorient.

A 20h15 la station du Conquet Radio capte un message de détresse envoyé par le Commandant du caboteur qui signale s’être échoué à l’Ouest des Iles Glénan « Nous allons couler » puis plus rien.

Aussitôt l’alerte est donnée les deux canots de sauvetage Capitaine de Vaisseau Richard  de St Guénolé et Commandant Coignerai  de Loctudy ce dernier sous les ordres du patron Michel Cariou prennent la mer en direction des lieux supposés de l’accident, il est 21h30.

Capitaine de Vaisseau Richard - SNS Pen-March’

Commandant Coignerai ici à son baptème en 1959

La mer est agitée le vent de Sud-Ouest force 4 et il y a une forte houle la visibilité est moyenne, seuls les grands feux sont bien visibles.

Naviguer dans ces parages est dangereux surtout de nuit et il faudra  toute la compétence des marins des canots pour arriver vers les feux du cargo que les équipages de sauveteurs aperçoivent au-delà de la chaussée de Tallenduic complètement à l’ouest de l’Ile du Loch.

En réalité le caboteur est échoué sur l’Ilot de Quignénec un plateau rocheux dont les noms sont déjà tout un programme: Folligou Braz,  Folligou Bihan et Fournou Loch’.

Eddystone  longueur 58m-760 tonneaux-9 hommes d’équipage et 2 passagères.

A 22h00 les communications sont reprises entre le Commandant du bateau et les canots de sauvetage le Commandant souhaite qu’à l’arrivée du premier de ceux-ci il soit procédé  à l’évacuation d’au moins quatre personnes. Les autres resteront à bord dans l’attente d’un remorqueur.

Les quatre personnes à évacuer sont son épouse et sa fille de cinq ans le steward Wending de 17 ans  qui s’est brûlé au pied au moment du choc et le mécanicien Kuchen  âgé de 20 ans. Mais l’évacuation en pleine nuit est délicate et c’est l’équipage du Commandant Coignerai qui va  organiser la manœuvre. Echoué sur le plateau rocheux horizontal le caboteur est inabordable.

L’Ilot quant à lui n’est accessible qu’a pied et il faudra que les quatre personnes à évacuer attendent la basse mer pour débarquer et se diriger vers le sud-Est du plateau dans un endroit habrité où la manoeuvre se fera plus facilement.

C’est à bord d’un pneumatique que le matelot Corentin Cloarec  va réussir un par un à recueillir les quatre personnes non sans mal après avoir été plusieurs fois recouvert d’eau et à les transborder vers le canot de sauvetage qui aussitôt fait route vers Loctudy où il accostera vers 02h15 les « naufragés » sont accueillis par l’Administrateur Bellec. Dès le lendemain ils rejoindront Lorient.

Pendant toutes ces manœuvres le canot de St Gué est resté en alerte autour de la position des bateaux. 

A bord de Eddystone l’équipage a pris certaine dispositions une ancre a été dévirée et laissée « à draguer à pic » afin d’éviter qu’à marée haute le bâtiment ne se mette en travers sur le plateau rocheux une légère voie d’eau ayant été décelée dans la partie avant bâbord mais sans gravité.

De Lorient appareille la gabare  Grillon  avec le Cdt Aubertin de l’Etat Major de la Marine  qui examinera la coque de L’Eddystone  et qui préconisera les dispositions à prendre pour le déséchouage. « Il n’y a pas trop de dégâts mais la position du bateau est inconfortable ».

Grillon  AN 95 (A 763)  Gabare de la Marine Nationale

Déjà le remorqueur hollandais Holland  de la Ste Utési qui se trouve à St Nazaire va faire route vers les Glénan mais compte tenu  des faibles marées en cours la Sté renoncera et ce sera le remorqueur Titan qui sera chargé le moment venu de procéder aux essais de déséchouage de l’Eddystone.

 

Mardi 14 février l’Eddystone est échoué depuis dix jours c’est une chance la mer s’est calmée le vent est faible et la houle s’est atténuée les meilleures conditions sont réunies pour tenter de déséchouer le caboteur.

Le remorqueur hollandais Titan est arrivé à proximité des lieux mais étant donné son tirant d’eau se tient à distance. C’est la pinasse Roi de Cœur du patron Alexandre Le Lay de Concarneau qui depuis l’échouage de l’Eddystone sert de navette aussi bien pour le transport de matériel que des spécialistes venus sur place.

Dans la nuit du lundi au mardi une nouvelle voie d’eau se déclare dans la coque du bateau échoué et il faudra transférer une 3ème pompe d’assèchement. C’est encore le Roi de Cœur qui va permettre de passer une aussière longue de 300 mètres entre l’arrière du caboteur et le remorqueur.

Le coefficient de marée  est de 96 et la pleine mer à 16h25 mais dés 15h00 le remorqueur va commencer très lentement sa traction par petits coups le caboteur se « dandine » sur son plateau rocheux  allant d’un bord à l’autre comme s’il voulait s’ébrouer. A bord du caboteur l’équipage se tient prêt à couper l’aussière qui a été passé à terre et qui maintient le bateau dans l’axe.

Vers 16h35 le Titan a augmenté sensiblement la puissance et ses 1300 CV vont faire «culer»  lentement le bateau qui se dégage de son emprise rocheuse.

Tracté par l’arrière l’Eddystone  et le Titan s’éloignent lentement vers le large le caboteur a pris quelques degrés de gîte et avant de reprendre le remorquage par l’avant il est déjà envisagé au cas où la gîte s’accentuerait de re-échouer l’Eddystone.

La seule solution serait de contourner l’Ile de Penfret et de venir vers la Chambre.

Il ne faudra pas en  arriver à cette hypothèse en effet au bout de deux heures d’attente la gîte reste stable et le Commandant du remorqueur décide de prendre à vitesse réduite la route de Lorient.

Titan remorqueur hollandais tractant  Eddystone

« C’était une grande première l’hélicoptère de la protection civile avec un caméramen de la station télé de Rennes est venu se poser sur le terre-plein du port et se joindre aux journalistes de radio bretagne puis s’est dirigé vers les Glénan ou l’Eddystone  est toujours prisonnier des rochers.

L’équipage du canot SNS Commandant Coignerai a également été à l’honneur pour avoir participé au sauvetrage des membres de l’équipage du caboteur et aux différentes manœuvres. » - Le Télégramme .

Equipage du SNS  Commandant Coignerai

Le Jeune Commandant de 31 ans expliquera par la suitre « j’ai du être trompé par le phare (la bouée) de la Jument (des Glénan) qui était blanc au lieu d’être rouge. »

Ce feu avait été modifié quelques temps auparavant  mais la carte du cargo n’était pas à jour.

Le caboteur transportrait une cargaison de feuillards métalliques, il est fort possible que ces masses ont influencé les indications du compas magnétique et provoqué une importante déviation du compas.

Documents J.Michel ROBERT